réflexions sur la simplification politique

Publié le par Raf

J’aimerai écrire une série de textes sur l’espace politique, parce que ce que je vois, ce que j’entends, ce que je sens, en un mot ce qu’on communique, me consterne. Sérieusement, le degré de simplification que nous avons atteint est d’une gravité sans précédent. Les raisons de ce discours débilitant sont multiples et complexes, aussi je ne m’attarderai un peu sur le sujet. J’aimerai vous faire part d’une analyse personnelle au sujet de l’appauvrissement de l’espace politique.

Premièrement, il peut être approprié de faire une analogie entre l’évolution du système économique et du système politique. Là où le système économique a subi une profonde transformation, un inversement de la logique économique c'est-à-dire que l’offre ne répond plus à la demande, mais l’offre crée la demande, le système politique a suivi. Il ne faut pas croire ce que nous disent nos prétendus dirigeants sur un renouveau, un changement, une « profonde transformation » de la façon de faire de la politique (ceux qui ont suivi le « débat post électoral» savent de quoi je parle). Ou plutôt si mais pas là où ils tentent de concentrer notre réflexion. Là où ils pensent, à ce qu’ils disent, que le politique s’est rapproché du peuple, en lui parlant directement, il y a, je crois, une profonde méprise, voire un profond mépris. Je dirai plutôt, à mon grand désespoir peut être, que au contraire, le peuple s’est rapproché du politique. Le politique ne s’adapte pas au peuple, il ne répond pas à une demande politique. Arrêtons de croire ces inepties. Le politique, par son discours formate  le peuple à son vouloir, et ce dernier se croira libre de choisir. L’offre politique crée (désormais ?) la demande politique et pas l’inverse comme on voudrait le faire croire.
Le fait que l’espace politique soit médiatisé par des représentations simplifiées, j’y reviendrai, n’est pas sans conséquences sur l’offre et la demande politique. En effet, par cette simplification créée par le politique, la demande (on va dire le peuple, bien que je ne crois pas à l’existence d’une telle chose) reçoit un message : sa représentation de l’espace politique devient cette simplification. Le peuple est donc totalement passif, impuissant. L’espace politique est en conséquence perçu tel que les politiques et les médias veulent (pas au sens de désirer ici mais au sens de message transmis) que le peuple le perçoive. On peut appeler cela la publicité ou le marketing politique. On crée un marché pour que l’offre que l’on propose trouve une demande, et cela en influençant (ou en créant) les représentations nécessaires à la création d’une telle demande. Je pense que Nietzsche appellerait ce phénomène la puissance (sauf que lui se concentre non sur la puissance elle-même, mais sur la volonté de puissance, ce qui semble une approche particulièrement fine).
Bon, une fois ce fait accepté et/ou analysé, qu’est ce qu’on peut faire ? C’est bien, il me semble, le problème de cette époque. On analyse, on critique, on abandonne parfois ses illusions, mais après, quand il s’agit de construire, cela semble bien plus difficile. Renoncer à la puissance ? Il n’en est pas question, étant donné que la puissance est comme je le pense une nécessité psychologique. Il y a pourtant quelque chose à faire de cette puissance. En tant que post moderne (on excusera l’aspect pompeux et fourre tout du terme), mais surtout en tant que sophiste (on m’excusera tout autant pour l’immodestie de cette auto proclamation) je ne pourrai que recommander, comme je l’ai déjà fait, la subjectivité comme cure politique.
Aujourd’hui, et cela depuis longtemps, la puissance est monopolisée par un petit groupe qui transforme sa perspective en réalité. Ceci est l’interprétation « moderne » de la puissance. Je pense cela donc c’est cela la réalité et la vérité. On a déjà compris d’où cela venait : platonisme, christianisme…etc. Bref idéalismes en tout genre. (Pour aller plus avant dans le rôle de l’objectivité pour le politique, voir le texte déconstruction politique : la fin du prétexte des luttes politiques). On a aussi compris le rôle des médias, et cela les sophistes l’avaient compris et utilisé avant tout le monde : dans une démocratie orale, si tant est qu’on puisse utiliser ce terme pour le régime athénien, il faut, pour être puissant, savoir parler, et bien. Ensuite, la puissance a été du côté de ceux qui écrivent, très peu nombreux pendant longtemps. Avoir accès à l’écriture et à la lecture a été pendant longtemps l’apanage de très peu d’individus (on peut d’ailleurs, peut être, tracer un lien entre la faiblesse du nombre de maîtres du médium de communication, aussi bien en terme d’émission que de réception, et le nombre de gens inclus dans le système politique). Aujourd’hui tout le monde ou à peu près est capable de lire, mais combien savent lire ? Combien lisent ?
Depuis un siècle, on est passé à une époque audio visuelle. La révolution audio visuelle est particulière en cela que peu de gens ont l’accès à l’émission de messages, alors qu’une masse d’individus peuvent les recevoir. La télévision est donc l’appareil rêvé pour une oligarchie (le pouvoir est entre peu de mains) aux allures de démocratie. Il y a peu d’émetteurs, et beaucoup de récepteurs. Qu’on m’explique alors où est le pouvoir du peuple, cette fameuse démocratie. Je n’en vois aucun. Parce qu’on vote, qu’on « choisit » entre un nombre de candidats restreints, nombre déterminé par un système qui échappe totalement au contrôle ? Excusez le sarcasme mais j’en doute fortement. Cela va bien sûr changer avec Internet, si tant est qu’on daigne éduquer les gens à ce médium post moderne. On y reviendra d’ailleurs.
Revenons pour l’instant à nos moutons (les hommes politiques). Aujourd’hui, ils sont un nombre infime à disposer des moyens d’émissions. L’offre politique est donc considérablement réduite, monopolisée. Il faut donc s’intéresser de plus près à la psychologie des soi disant puissants, ceux qui ont accès aux instruments de la puissance moderne. Un homme politique, ou simplement médiatique, n’est pas quelque chose de neutre, c’est une personne avant tout, ce n’est pas un simple médium de la volonté générale. Il répond avant tout à ses besoins physiologiques et psychologiques, entre autres, si l’on suit l’analyse freudienne de s’opposer à ces parents, ou de les adouber. Le discours musclé sur l’immigration d’un des candidats, répond évidemment au besoin de s’opposer à la qualité d’immigrants de ces proches parents. Il fait simplement son oedipe un peu tard… Le discours sur l’autorité morale et quelque peu militaire d’un(e) autre candidat(e) répond au contraire au besoin d’affirmer sa parenté avec la figure du père. La question des sexes est évidemment très importante. Monsieur S. affirme sa haine oedipienne quand Madame R. construit son amour oedipien. Simple exemple, construction un peu précaire certes mais qui pourrait mériter quelque approfondissement, pour montrer que le système politique n’est pas ce que l’on croit. Il ne faut pas croire pour autant que ces processus ou ces besoins soient conscients dans l’action et la volonté des principaux intéressés. Les hommes, et femmes, de bonne volonté existent, mais je crains que cette bonne volonté ne soit qu’une illusion de plus, y compris pour ces pauvres gens, un moyen de cacher des choses bien plus profondes. Il n’y a pas pour autant de mensonge délibéré, ou plutôt (ce que Nietzsche nous apprend) un mensonge généralisé qui est destiné à cacher ces dimensions que beaucoup de nous ne veulent ou ne peuvent accepter.
Une fois la chose comprise, c'est-à-dire que le politique ne répond pas à une demande populaire, mais à une demande psychologique, il s’agit maintenant de s’intéresser au moyen d’arriver à combler le besoin de pouvoir de ces individus dérangés (comme tout le monde d’ailleurs…) : le discours politique. C’est par ce discours que le politique va construire une demande qui répond à son offre propre. Le discours politique, qu’il soit tenu par ces hommes et femmes, ou par leur proche entourage, notamment les partis et les grands médias, consiste à simplifier à l’extrême ce qu’est l’espace politique. Premièrement, il s’agit de monopoliser le politique au sein d’institutions, principalement l’Etat et les grands médias de communication. Seules ces institutions seront légitimement politiques. Le dimension politique du reste (politesse, rapport intersubjectifs, « foi » (pour ceux que cela concerne), etc…) va subir par conséquent une délégitimation : on ne s’essayera pas à tenter de dégager la dimension politique que ces espaces comprennent. On va donc construire un espace (ou champ dans le langage bourdieusien) politique séparé des autres espaces de la vie commune. Et l’on va organiser ce champ autour d’institutions légitimées. On peut voir en œuvre le processus de légitimation par l’usage de grands thèmes récurrents : impartialité, objectivité, expression de la volonté générale, justice… Autant de concepts fourre tout, si vagues qu’ils sont dénués du sens le plus minimal, mais avec une dimension symbolique très importante et surtout très positive.

Une fois ce travail d’institutionnalisation et de légitimation du politique accompli, on va simplifier l’espace politique en usant d’axes, de dimensions, pour créer une offre simplifiée et donc acceptable par la « masse ». Le plus connu de ces axes étant l’axe gauche - droite. On va arriver à quelque chose du style :

 


Ce schéma montre à quel point l’espace politique peut être simplifié à l’extrême. Premièrement, il est unidimensionnel. On s’axe sur le thème opposition gauche droite, qui est extrêmement flou. Qui pourra déterminer ce que sont la gauche et la droite de façon précise ? En tout cas pas moi. On va donc associer aux différentes directions des grands thèmes. Libéralisme à droite, socialisme à gauche. Contrôle à droite, Liberté à gauche…etc. Cette association rajoute encore à la confusion qu’une telle représentation crée, par le caractère un peu aléatoire de telles associations. Deuxièmement, cette représentation cache la collusion des différents clans, c'est-à-dire le fait qu’ils soient plus imbriqués qu’ils n’en ont l’air. Il y a un accord minimal sur lequel tous les partis se rejoignent.
En prenant, en compte ces différentes critiques de la représentation minimaliste de l’espace politique, on peut arriver à une représentation plus complexe, mais encore simplifiée à l’extrême :

 

Avec cette représentation, on a d’avantage conscience de la collusion des partis politique, des grandes thématiques politiques, et de ce que pourraient signifier les directions gauche et droite. Bien sûr, ce schéma est extrêmement aléatoire, puisque j’ai choisi les grands thèmes (vous pouvez d’ailleurs m’en proposer de nouveaux) et que le placement des positions des grands partis n’est en aucun cas précis. Mais il peut bien sûr être affiné. Le mieux serait de le faire en 3D (avec par exemple un logiciel comme Katia V5…), afin d’arriver à un niveau de complexité supérieur mais non encore suffisant. De plus, comme vous l’aurez remarqué c’est beaucoup plus subjectif, de par le choix des thèmes, et du placement de chaque parti sur les axes (on remarquera sûrement que je suis « de gauche », parce que je n’ai usé que de peu d’objectivité sur ce schéma).

Voilà le début de mes réflexions. La suite s’articulera sur le renouveau politique qui pourrait avoir lieu, et que je désire de toutes mes forces. L’usage politique d’Internet, l’abandon de l’objectivité en politique. L’abandon du système des partis, en tout cas lorsqu’ils sont censés représenter une « partie » de la population. Et une analyse portant sur le réel existant, sur les stratégies que pourraient adopter les différentes forces politiques d’aujourd’hui face à ce changement. J'espère que vous en apprécierez la lecture.

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J
Ton texte est très riche, et je partage à peu près ton point de vue. Je ne me permettrai donc que quelques réflexions rapides et "à chaud" :- je ne crois absolument pas à tout l'arrière-plan psychanalytique auquel tu fais appel à un moment donné, et d'ailleurs je ne vois pas ce que cela apporte de plus au discours que tu tiens. Mais comme cela c'est une simple opinion personnelle non argumentée, pas la peine d'en dire plus ;- ton schéma en étoile est, pour moi, assez critiquable, pour la simple raison qu'il faut d'abord être d'accord sur le fait que le contrôle c'est le contraire de la liberté, le capital le contraire du travail, et surtout, l'économique le contraire du social. Ce n'est pas vrai, cela est évident, et par conséquent, même si cette représentation est sans doute un progrès par rapport à la représentation linéaire de la droite vers la gauche (mais même ici, la droite n'est pas le contraire de la gauche !!, au moins dans le catalogue d'idées qu'on trouve dans les programmes), elle est simplificatrice. Comme tru critiques de manière assez forte la simplification opérée par les hommes politiques pour que l'on vote pour eux, veillons à ne pas remplacer une simplification par une autre, ... surtout si elle est compliquée à comprendre...
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A
Salut Raf,<br /> je te trouve vachement en forme et d'actualite en plus!<br /> Je suis bien d'accord pour en terminer avec ce systeme politique platonique (UN SEUL QUI GOUVERNE TOUT les autres). Ca ne peut pas marcher! (il suffit de voir ce qu'il se passe en ce moment, on ne vote meme pas pour quelqu'un qu'on veut mais contre quelqu'un qu'on ne veut pas)<br /> Usons d'internet intelligement (cette machine surpuissante, elle, et internationale d'acces) pour voter, partager (cette fois TOUS), nos idees, nos projets, nos lois, afins qu'un maximum de gens soit satisfait!<br /> C'est fini les presidents, laissons place au PEUPLE vraiment!<br /> Bizzz mec<br /> Arthur
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